SIMON VESTDIJK 1898 - 1971

D’après l’article de Rein Bloem, dans l’ Encyclopédie «Winkler Prins», 7e édition 1975. Traduit du néerlandais, avec autorisation, par A.M. de Both-Diez.



Simon Vestdijk, écrivain néerlandais, naquit le 17.10.1898 à Harlingen, dans la province de Frise, de parents amstellodamois, dont le père, un homme énergique, professeur de culture physique, et la mère, plutôt introvertie, anxieuse, toujours préoccupée de la santé de son fils, étaient très musiciens. Dès son jeune âge, Simon manifesta le plus vif intérêt pour la musique.

Il fit des études de médecine, obtint son diplôme en 1927, et exerça quelque temps, notamment comme médecin de bord.

En 1926, il avait également entrepris des études de musique, mais à partir de 1932, il renonça à une carrière musicale ou médicale, pour se consacrer exclusivement à la littérature. En 1939, il s’installa à Doorn, où il mena une vie retirée jusqu’à sa mort, le 23.3.1971. Il y vécut d’abord avec sa gouvernante et amie de longue date, puis, à la mort de celle-ci, après son mariage en 1965, avec sa femme, un fils et une fille.

A l’époque où il était étudiant, il publiait déjà des poèmes et des récits dans divers bulletins de l’Association d’étudiants Unitas, et dans plusieurs revues littéraires. Il débuta dans la littérature avec la publication de poèmes dans «De Vrije Bladen», entra en contact avec Du Perron et Ter Braak, et devint plus tard co-rédacteur de la revue «Forum».

Le premier roman de Vestdijk «Kind tussen vier vrouwen» fut refusé par l’éditeur Nijgh en Van Ditmar, qui jugea le manuscrit (presque mille pages) trop volumineux pour un début. L’ouvrage ne fut plus présenté à aucun autre éditeur du vivant de l’auteur. C’est seulement en 1972 qu’il fut publié à titre posthume. Ce roman contient, en germe, les nombreux romans, nouvelles et poèmes de Vestdijk qui devaient suivre. Le principal personnage est un enfant solitaire, inquiet, qui cherche d’une part à s’identifier aux figures féminines représentant la mère, la soeur, l’amie terrestre et l’inaccessible bien-aimée (=Ina Damman) – ou qui sont diverses formes d’une même fascination – et d’autre part à s’en libérer afin de pouvoir suivre sa propre voie. Cette thématique romanesque est à la base de presque toute l’oeuvre de Vestdijk, et revêt le caractère d’une mystique personnelle, surtout après la justification et la prise de conscience, exposées dans son essai «De toekomst der religie» (1947): un homme qui accepte passivement sa situation, prend soudain conscience de son état (avec, souvent, la nature comme agent catalyseur, de préférence un paysage de montagne); il brise alors les liens qui l’emprisonnent, et s’oriente vers un idéal dans l’avenir; cela se présente d’abord sous la forme d’un moi supérieur, d’un guide, puis sous celle d’une expérience de l’éternité inexprimable, tout au plus empreinte de traits féminins, qui ne trouvera son accomplissement que dans la mort. A côté de ces moments où le présent et le passé se confondent et où une telle expérience, limitée dans le temps (à savoir dans le rêve, l’extase et l’imagination) est atteinte, se multiplient les situations conflictuelles entre ces deux causes agissantes. De ce fait, dans les romans de Vestdijk, les protagonistes ont presque toujours quelque chose de tragique et sont plongés dans un isolement inéluctable; leurs modèles, partenaires féminins et masculins, restent toujours inaccessibles. Le plus autobiographique de ces protagonistes est Anton Wachter, le héros qui a donné son nom au cycle romanesque «Anton Wachter-cyclus». Cette mythologie d’une vie ambivalente, déterminée par des désirs régressifs et progressifs, Vestdijk l’a incarnée dans de nombreux romans et nouvelles contemporains, historiques, futuristes; il s’est servi, à cette fin, de schémas psychologiques empruntés à des principes astrologiques. Non pas qu’il crût en l’astrologie, mais parce que celle-ci lui fournissait la matière de psychodrames permettant d’étoffer le canevas de ses intrigues.

Cette mythologie, bien que moins explicitement teintée de psychologie, se retrouve dans les vingt volumes de poésies, qui furent regroupés en trois tomes après sa mort et publié sous le titre: «Verzamelde Gedichten». En 1986, parut en outre un quatrième tome, volumineux, intitulé: «Nagelaten Gedichten». En vers sculpturaux, plastiques, dans lesquels l’idée pèse souvent plus que la sonorité et le rythme, le poète exprime, à de nombreuses reprises, l’incapacité fondamentale de l’être à s’identifier à quelque chose de "supérieur" ou à intégrer d’une manière durable l’"Autrefois" à l’"Aujourd’hui". Nous en trouvons l’illustration la plus impressionnante dans la série de 150 sonnets «Madonna met de Valken», extraite du recueil «Gestelse liederen» (1949), composé pendant la Deuxième Guerre Mondiale, alors que Vestdijk était retenu en certain temps en otage à St.Michielsgestel. Un matériel considérable, soulignant le caractère mythologique de son oeuvre, nous est également fourni par les recueils d’essais, dont les plus importants exemples sont «De toekomst der religie», «Essays in duodecimo» (1952) et la thèse qu’il n’a jamais soutenue «Het wezen van de angst» et qui fut publiée en 1968, à l’occasion du soixante-dixième anniversaire de Vestdijk.

Romans, poèmes et essais sont écrits dans un style baroque, heurté, où abondent les interruptions, les digressions et corrections, ce qui témoigne d’une incertitude fondamentale et d’un camouflage de ses sentiments plutôt que de la cérébralité dont on lui fit plus d’une fois grief en raison de son immense productivité. Son oeuvre monumentale, si diversifiée – dont les publications dans le domaine musicale constituent un chapitre à part – et qui se maintient presque constamment à un niveau très élevé, a été couronnée d’une multitude de prix, parmi lesquels le Prix des lettres néerlandaises, décerné en 1971 et remis à son épouse après sa mort. Mais il n’obtint jamais le prix Nobel, bien que, de 1956 à sa mort en 1971, il eût régulièrement figuré sur la liste des candidats, et même une fois, en troisième place. C’est seulement après sa mort que fut mis sur pied un groupe de recherche consacré à ses essais et à une analyse systématique de l’ampleur et de l’unité de ses oeuvres complètes. Il importe à ce sujet de mentionner la fondation d’un cercle Vestdijk, qui publie sa propre revue «Vestdijk-Kroniek».



Addenda 1992

Depuis la mort de l’auteur, la gestion de son héritage littéraire est entre les mains de sa veuve. Sous sa direction, tous les romans ont été réimprimés dans une nouvelle composition, de 1978 à 1984. En outre, les dix recueils d’essais sur la musique ont été réédités, et une partie de sa correspondance a déjà paru. Une édition critique de «Nagelaten gedichten» a vu le jour en 1986.

Entre-temps les romans du cycle Anton Wachter ont fait l’objet d’adaptions radiophoniques et cinq autres romans de Vestdijk ont été filmés. En Pologne et en Tchécoslovaquie, «Het Vijfde Zegel» (La Vie passionnée de El Greco) a été adapté pour le petit écran. Une importante partie des oeuvres complètes a été publiée en vingt langues, notamment, aux Etats-Unies, «De toekomst der religie».

Publié en français:
La vie passionnée de El Greco, l’ Intercontinentale du Livre Paris, 1957
L’île au rhum, Gallimard 1963, éd. Phébus Paris 1991, trad. Jean-Jacques Villard
Le gardin de cuivre, éd. Phébus, Paris 1993, trad. Jacques Plessens et Robert Sctrick
Les voyageurs, Editions universitaires 1966, 1992, trad. L Roelandt
Un fou chasse l’autre, éd. Phébus, Paris, 2004, trad. Dr. Spiros Macris

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